Orthographe et grammaire, des formations souvent nécessaires

C. 34 ans, secrétaire-comptable, deux enfants à l’école primaire, se dit « handicapée« . F., 55 ans, travaille dans le secteur semi-public et « veut devenir cadre avant la retraite« , S. 23 ans, assistante de direction, enchaîne les CDD « et tant que mon problème ne sera pas résolu, personne ne me proposera de CDI« , I., 31 ans, est ingénieur et dit « moi, je m’en fiche, c’est mon chef qui considère que c’est un problème« , J., 50 ans, est un délégué syndical très virulent en réunion, mais c’est sa femme qui écrit ses tracts…, L., 42 ans est cadre sup. dans l’industrie, sa société va licencier, il ne craint pas pour son poste, pour l’instant, mais pour celui de son assistante, qui écrit même ses mails de deux lignes.

Ce sont quelques exemples de personnes rencontrées lors de formations « orthographe et grammaire ». Ils ont pour point commun une vie au travail difficile et stressante, parce qu’ils ont peur d’être démasqués… ou parce qu’ils l’ont été et savent que désormais rien ne leur sera pardonné. Oui, une mauvaise orthographe est un problème crucial aujourd’hui dans le monde du travail, et pourtant, de plus en plus de jeunes sont concernés (et en sont peut-être moins conscients que les générations précédentes, persuadés qu’il suffit  » de se faire comprendre » dans des textes rédigés en langage sms).

Lors de ces formations de deux jours, on revoit tout le programme de l’école primaire. Bien sûr, deux jours, ça ne suffit pas pour tout remettre à plat, mais ça peut donner le coup de fouet et la motivation nécessaires pour se remettre à travailler le soir chez soi, faire des exercices et apprendre par coeur les règles « jusqu’à ce que ça rentre ».

Les problèmes les plus basiques concernent les accords de participe passé. Pour ceux-là, il y a de l’espoir. Mais quand lors d’une session quelqu’un m’a demandé pendant les « questions-réponses » (on prévoit le deuxième après-midi entier pour ça) « est-ce qu’on peut travailler sur « ses », je ne sais jamais si ça s’écrit « sait », « c’est », « ses », « ces » ? » et que tous les autres ont acquiescé, disant « moi, c’est pareil« , je me suis dit qu’il y avait encore du boulot…

Et effectivement, je pense même à proposer des formations en ligne, anonymes, depuis qu’un patron à qui je devais donner une formation personnalisée s’est désisté. Il avait trop de travail.
C’est sûrement un prétexte, mais c’est difficile d’assumer d’avoir un problème avec l’orthographe. Moi aussi, lors de ces formations, je suis revenue sur certains préjugés que j’avais pu avoir. On peut être nul en orthographe et lire beaucoup, par exemple (bon, dans ces cas-là, on est parfois dyslexique, mais j’en vois aussi, à mes formations, des dyslexiques qui disent « je préfère dire OK à ma/mon chef, allons-y pour une formation, je ne vais quand même pas leur dire que je suis dyslexique, c’est un handicap, vous savez ?« ).

On pourrait repartir quelques lignes sur la question des handicaps invisibles, car c’est – à peine – un autre débat…

  1. #1 par Nicolas le 24 février 2015 - 10:54

    Le problème est incroyable tant il est vaste… et scinde la population en deux. Effectivement, être travailleur avec des problèmes d’orthographe (et de grammaire ! et de syntaxe !) c’est le plus souvent très anxiogène. L’instruction au primaire est insuffisante sur ce point, les élèves arrivent au collège avec des bases bien trop fragiles, et on les terminent à grands coup d’apprentissage de la littérature alors qu’ils ne maîtrisent pas les accords les plus simples. Ils rentrent dans la peau de passagers clandestins de la langue (on se débrouille pour se faire comprendre, on se fait relire par sa mère/sœur/femme jusqu’à ce qu’on atteigne une jauge jugée acceptable de fautes par ligne (par ligne !) et on serre les dents à chaque fois que l’on appuie sur « envoyer » quand on écrit un mail à un collègue, un supérieur ou un client.

    On pense bien trop souvent que le problème est seulement d’avoir « honte » ou pas, on oublie quand même que maîtriser l’orthographe c’est maîtriser la langue ; combien de commerciaux manient la différence entre le futur et le conditionnel ?

    J’ai connu une secrétaire qui, à la demande de son n+1, avait préparé deux chemises pour classer les factures : « factures régler » et « factures a réglé ». On pourrait en rigoler (elle ne comprenait pas où était le problème), ça m’a fait froid dans le dos. Personnellement, je suis un ex repenti de la Faute, toujours prêt à rechuter, mais je me soigne énergiquement.

    D’ailleurs je voudrais signaler un site qui propose aussi des formations, une certification et un petit bout d’exercices gratuits plutôt bien faits, le « projet voltaire » ( http://www.projet-voltaire.fr/ ).

    Après, on a tous (?) laissé passer une faute énoooorme, de frappe ou d’ortho, dans un titre, un texte, un rendu à un client… Ce n’est pas du même ordre que certains professionnels qui écrivent sans comprendre le sens de leurs mots et ne savent pas transcrire l’oral vers l’écrit…

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    • #2 par Isabelle Prigent le 2 mars 2015 - 10:34

      Bonjour Nicolas,
      Effectivement, le libellé des chemises « factures » fait froid dans le dos…
      Et je confirme, on laisse tous (mais oui !) passer des fautes de frappe, je suis même une spécialiste des titres mal orthographiés (merci Charlotte qui m’a contactée deux fois récemment pour m’en informer ;-)) mais une faute dans chaque phrase (voire à chaque mot), ce n’est pas acceptable…

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  2. #3 par Josélito Tirados le 24 février 2015 - 11:45

    Encore un moment de synchronicité.

    J’en parlais avec ma femme ce week end. Elle à un très bon niveau en orthographe et grammaire et pourtant maitrise la langue française moins bien que moi.

    Il faut lire pour s’améliorer ? Je lis un livre tout les 15 jours et depuis des années.
    J’ai une excellente maitrise de la langue française d’une part parce que je lis encore des grands classiques et aussi parce que je cherche très souvent l’étymologie des mots pour être assez fin dans mes écrits.

    Combien me coute ce handicap ?

    Chaque article que je rédige (une fois par semaine) doit faire l’objet d’une relecture par mon épouse avant publication.

    Chaque commentaire que je poste sur un internet (et je le fais très très très régulièrement) passe par la moulinette Word (qui n’est pas ce qu’il y a de mieux).

    Bien entendu, je dois systématiquement « tourner » mes phrases pour éviter les pièges mortels de cette merveilleuse langue.

    a ou à ? huit fois sur dix j’inverse.

    Suis-je un d’jeunes qui écrit en langage SMS ? 43 ans et je ne suis pas fan des JTM, LOL, MDR (que j’utilise toutefois sans problèmes).

    Est-ce que je ne comprends pas ce que je lis ? Quand je m’informe sur des sujets de haut niveaux issues de publications académiques, je comprends parfaitement les concepts qui me sont proposés.

    Je ne parle pas de mes propositions de missions au client que je ne peux renvoyer dans l’heure. Il me faut attendre le retour de ma femme le soir pour relecture.

    C’est un boulot ingrat et après une journée de travail plus le temps qu’elle doit consacrer à son propre blog, je comprends qu’elle craque parfois.

    Il me manque des bases fondamentales qui en plus me pose problème dans mon apprentissage de l’anglais. J’ai une bonne maitrise de cette langue à l’oral mais quand il s’agit de travailler sur les adverbes (c’est quoi ce truc), les adjectifs, les trucs qu’on met avant ou après le verbe…je cale.

    Aujourd’hui c’est 20 à 30 % de mon temps qui file à cause de ce handicap.

    Donc je suis le premier à foncer sur une formation online 🙂

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    • #4 par Josélito Tirados le 24 février 2015 - 11:45

      commentaire volontairement non corrigé et écrit d’une traite 🙂

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    • #5 par Isabelle Prigent le 2 mars 2015 - 10:37

      Bonjour Josélito,
      effectivement, que de temps perdu quand il faut toujours demander à quelqu’un de nous relire… C’est un point que je n’ai pas évoqué, mais les personnes que je vois en formation s’en plaignent également souvent.
      Je prends bonne note de votre candidature et vous tiendrai informé si je décide d’avancer sur ce sujet 😉

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  3. #6 par ceciletrompette le 2 mars 2015 - 11:11

    Vaste sujet que la relecture. Tout dépend de la situation d’écriture (une lettre de motivation, un billet de blog ou un commentaire…) et de son niveau personnel (abonné aux fautes ou bon rédacteur dans l’ensemble). Le lecteur d’un blog sera plus tolérant qu’un recruteur. Une faute perdue dans un texte (ou un ensemble de textes) d’un bon niveau de français, passera pour une erreur d’inattention plutôt que pour une crime de lèse-orthographe.
    Quoi qu’il en soit, difficile (impossible) d’écrire sans faute (j’ai d’ailleurs traité de ce sujet ici http://www.lemondeenmots.fr/zero-fautes/). Euh, sans erreur (apparemment la faute, n’est plus le mot à la mode dans l’apprentissage). On a toujours un dictionnaire à portée de main, et un livre de grammaire… Pas parce qu’on est « mauvais » mais juste parce que le Français est une langue compliquée, opaque, complexe… C’est ce qui fait son charme. C’est en se penchant sur la formation des mots, sur l’origine des règles qu’on prend conscience de notre histoire, de notre patrimoine linguistique. C’est une richesse… et une source d’ennuis orthographiques. Mais c’est comme ça. C’est d’ailleurs une bonne approche (la recherche étymologique) pour mieux appréhender notre langue et ses difficultés.
    L’apprentissage est long et laborieux… et coûteux (en temps et énergie). Il faut d’armer de patience et trouver des trucs pour vaincre ses handicaps (comment faire la distinction entre tous les homonymes grammaticaux « s’est, c’est, sait, ces, ses », remplacer « a » par « avait » pour ne plus écrire « à »…). Plein de petits exercices, de « combines » qu’on nous enseigne à l’école… et qu’on doit parfois reprendre, parce qu’on sait qu’on est « léger » sur ces questions – et c’est déjà un grand pas d’avoir identifié ses lacunes.
    Bref, l’orthographe, une belle aventure. Au passage, je viens de découvrir qu’on avait tenté de la réformer en… 1990 (voir ici les recommandations détaillées http://www.orthographe-recommandee.info/index.htm) sans que grand monde n’en tienne compte apparemment (ce fameux « événement » qui devient « évènement ») – les profs et les journaux ne suppriment pas l’accent circonflexe de « maître », certains ouvrages d’enseignement en tiennent compte, mais pas les dictionnaires… De quoi rajouter une couche de complexité.

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  4. #7 par Laurence Perchet le 2 mars 2015 - 19:01

    Bonjour Isabelle,
    Depuis plusieurs années je combats à ma manière cette indifférence générale française par rapport à la notion de qualité d’écriture. Les jeunes générations à qui je dispense des cours sont de plus en plus désespérantes. Le niveau a baissé de manière effrayante entre 2000, date de début des cours que je dispensais à des jeunes en BAC+3, et aujourd’hui, quinze ans plus tard… J’ai relu plusieurs fois des copies de partiels de jeunes gens en 3ème année après le Bac cette année, qui m’ont estourbie littéralement par l’enfantillage du vocabulaire et l’absence de structure des phrases… quant aux fautes d’orthographe, on aurait pu en faire un véritable festival rien que pour rire… ou pleurer ! Professeur de français l’année dernière pour une section en alternance, j’étais effrayée par les premières copies « d’évaluation » de composition française… Une collègue professeur de français cette année est venue me faire part de son désarroi et je lui ai répondu que je partageais son effroi. Au delà de la rigueur orthographique que nous tentons de pratiquer en raison de nos métiers respectifs, avec des erreurs parfois qui se glissent deçi – delà mais aussi parce que Word ne connaît pas un mot qu’il transforme aussitôt à sa manière sans vous demander l’autorisation, il ne faut jamais perdre de vue que l’écriture c’est la civilisation, l’accès à la connaissance, bref une manière de pratiquer ou d’entretenir son intelligence. De ce point de vue, nos sociétés occidentales, en tout cas la France, a à priori, complètement démissionné avec les jeunes générations. Et les autres ? Regardons ce qui se passe ailleurs… sur d’autres continents où l’accès à la lecture, l’écriture, continue de tenir le haut du pavé pour s’élever, de quelque manière que ce soit, dans la société… A méditer je pense…

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    • #8 par Isabelle Prigent le 2 mars 2015 - 19:36

      Je suis d’accord avec toi, c’est effrayant. La question de l’orthographe est presque un point de détail quand on voit la faiblesse du niveau de vocabulaire, la méconnaissance de la syntaxe et les incompréhensions que cela génère. Est-ce qu’on a démissionné ? Est-ce que l’école a laissé tomber ?
      Je suis persuadée que les parents comme les profs se battent pour que les enfants apprennent les mots justes… Mais effectivement, quand avec 500 mots de vocabulaire on a accès à n’importe quelle émission de télé (débile), on peut s’estimer suffisamment cultivé !
      Je ne sais pas si tu as vu dans « Envoyé Spécial » jeudi dernier, le portrait d’Emmanuel Macron. Les journalistes qui l’ont suivi pour ce reportage se sont exprimés ensuite sur le plateau et l’un d’eux a dit quelque chose comme « il a une pensée complexe et ne cherche pas à la simplifier. Ce n’est pas un adepte de la petite phrase ». Aurions-nous un ministre qui nous prendrait pour des personnes intelligentes ? Super, ça va nous changer… C’est avec de tels exemples que l’on tire tout le monde vers le haut, pas en nous resservant du Nabila et consorts…

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