L’entreprise et les femmes

J’ai choisi un vrai sujet de thèse en titre de ce billet ! Je sais bien qu’il sera impossible en quelques lignes de traiter de ce thème de manière exhaustive, mais je voulais partager quelques interrogations.

Il m’est arrivé plusieurs fois, ces dernières semaines, d’échanger avec des amies ou des amies d’amies, toutes salariées, qui soit se sentent obligées de rester au même poste pendant encore plusieurs années parce que « les enfants sont petits et que cette boîte a quand même un super CE » et celles qui veulent à tout prix évoluer, entrer au comité exécutif, être manager d’une équipe de 30 personnes, mais se plaignent de ne plus passer assez de temps avec leurs enfants. Aucune d’elles ne se sent vraiment bien dans sa vie professionnelle… Résignation ou culpabilité sont-elles les seules alternatives ?

Doit-on s’excuser de privilégier ses enfants lorsqu’ils sont petits ? Copier le modèle masculin et passer « sa vie au boulot », est-ce que cela peut être vraiment épanouissant ? (je déteste ce mot, mais il va bien dans ce contexte !). Lorsque je pose à voix haute ces questions, je les vois toutes ouvrir de grands yeux, je deviens en instant celle qui « travaille à la maison, donc ne travaille pas et donc ne peut pas comprendre ».

Donc, je reviens ici avec quelques questions qui me turlupinent et sur lesquelles j’aimerais avoir vos avis :

– Est-il essentiel, pour réussir sa carrière, d’être au comité exécutif de sa société ?
– La loi sur la mixité/parité est-elle une bonne idée ? (franchement, je n’arrive pas à me faire un avis définitif…)
– La réussite des femmes au travail doit-elle obligatoirement passer par une guerre des sexes ?
– L’ambition doit-elle être un trait de caractère, ou une position fluctuante, en fonction de son actualité perso (est-il possible de se sentir et de se proclamer ambitieuse au retour d’un congé mat’, par exemple ?).

Le fond de ma pensée ? Je pense qu’avant tout, il faut aimer ce qu’on fait, et avoir le sentiment de bien le faire. Toute projection supplémentaire ne peut selon moi qu’amener à des frustrations. Mais est-ce moi qui ai l’esprit déformé par ma volonté de gérer à la fois le bien-être de mes enfants en bas âge et un métier que j’aime ? Effectivement, pour moi ce n’était pas possible en entreprise, et je constate au quotidien que c’est le cas lorsque l’on est indépendant. Aurais-je eu raison de rester en entreprise, de militer dans des réseaux féminins, de me battre pour obtenir évolution, augmentation, reconnaissance ? Beaucoup le font, parfois (souvent) sans succès, alors pourquoi y consacrer autant d’énergie ?

Que pensez-vous de tout cela ? J’attends vos commentaires avec impatience !

  1. #1 par Anne de Rozières le 19 janvier 2010 - 11:56

    Je constate encore à quel point je suis sur la même longueur d’ondes que toi.

    Mais comment répondre en 3 lignes à toutes les réflexions que ton article soulève ? Tu as raison, c’est un vrai sujet de thèse !

    Pour résumer ma pensée à l’extrême et éventuellement lancer quelques pistes, j’ai bien envie de dire que la question fondamentale qui sous-tend tout cela est celle de la différence entre « réussir dans la vie » (notion très soumise aux normes et aux regards extérieurs) et « réussir sa vie » (faire ses choix en conscience, quels qu’ils soient, et en accord avec soi-même).
    La liberté, finalement !

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  2. #2 par Pascal le 19 janvier 2010 - 13:14

    Un regard d’homme sur ce billet !

    Etre un homme ne veut pas dire ne pas élever ses enfants, ne les voir que le matin tôt au réveil… voire ne pas partager les tâches de la maison.

    Mais il est vrai que rester tard au bureau est « signe » de motivation. J’ai eu la chance de travailler, quand j’étais célibataire, dans certaines capitales européennes. Les anglais (hommes) respectent l’heure pour arrêter de travailler (vers 17h30), quelle que soit la pression mise par les froggies.

    Comme toi Isabelle, j’ai fait un choix : certes je travaille beaucoup, pour deux de mes sociétés, mais… j’ai choisi de travailler à 80% de mon temps à domicile. Les clients ne s’en rendent pas compte (vive la téléphonie moderne), et quand mon fils rentre de ses cours, il a une oreille attentive à la maison pour se confier, philosopher, réagir, s’exprimer, voire pester.

    Mais travailler de chez soi n’est pas contraire à avoir de l’ambition. Je compte embaucher à nouveau, mais toujours sur le principe du travail à domicile. Sans couper le lien social en organisant des réunions physiques.

    La guerre des sexes existe-t-elle ? Surement dans les entreprises anciennes, mais de moins en moins dans les structures réactives pleines d’enthousiasmes, de compétences, et d’équilibre personnel.

    Vive le télétravail !

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  3. #3 par Jean-Philippe le 19 janvier 2010 - 15:59

    De plus en plus de femmes pour être épanouies dans ces 2 rôles choisissent de plus en plus à devenir leur propre patron.
    Ca leur permet d’avoir toujours un oeil sur leurs enfants mais surtout d’assouvir les besoins de reconnaissance professionnelle que la société nous impose malheureusement de plus en plus.

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  4. #4 par Anne de Rozières le 19 janvier 2010 - 16:53

    Très juste.
    Et je remarque aussi que des hommes font ce choix de vie pour se reconnecter avec leur vie familiale, parce que la seule reconnaissance professionnelle ne leur suffit plus, cf. le témoignage de Pascal.
    Choisir de travailler en indépendant, ce serait faire le choix de l’équilibre, en somme !

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  5. #5 par iergo le 19 janvier 2010 - 18:02

    A quand un article « La famille et les hommes » ? 😉

    Travailler en indépendant permet d’éviter les pressions sociales liées à « trop » gros attachement à une entreprise. On délimite mieux les deux mondes. Le travail est défini à chaque fois par une mission, un prix et un contrat. Il n’y a pas d’affectif là dedans.

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  6. #6 par isabelleprigent le 19 janvier 2010 - 21:01

    Merci de vos commentaires ! C’est amusant de constater que les hommes sont les plus nombreux 😉
    @Anne : je partage complètement ta vision de la réussite, j’ai écrit un billet sur ce thème ici il y a quelques mois.
    @Pascal : bien entendu, les pères peuvent (et doivent !) être présents auprès de leurs enfants… et idem pour les mères concernant l’accession au Comex, non ? Je ne suis pas féministe au sens « guerrier », mais je trouve que les hommes revendiquent et obtiennent beaucoup de choses qui appartenaient autrefois au domaine féminin, alors que l’inverse n’est pas vrai…
    @tous les deux : Je retiens de vos commentaires les mots liberté et ambition. Bizarrement, les deux semblent antithétiques aujourd’hui, comme si la liberté était réservée aux indépendants et l’ambition aux salariés. Revendiquons l’ambition de la liberté et la liberté de l’ambition ! 😉
    @Jean-Philippe : c’est vrai, mais malheureusement ce n’est pas toujours un choix pour les femmes de travailler en indépendant, c’est même souvent la seule solution, et c’est vraiment dommage.
    @Raphael : sujet très intéressant que tu m’as l’air de maîtriser parfaitement 🙂 Je t’invite à venir en parler ici quand tu veux : je publierai ton billet dès réception !

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  7. #7 par iergo le 19 janvier 2010 - 21:59

    Je vais y réfléchir, mais je ne suis pas un rapide pour écrire ce genre de chose !

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  8. #8 par Maclio le 20 janvier 2010 - 07:17

    Bonjour Isabelle,
    Ton billet m’interpelle et à sa lecture, je me suis demandée :
    Est-on femme sans enfant ? ou est-ce que le titre de ton billet serait « L’entreprise et les mères de famille »?

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    • #9 par isabelleprigent le 1 février 2010 - 09:39

      Bonjour Maclio,
      Désolée de ma réponse tardive, ce commentaire m’avait tout simplement échappé !
      Effectivement, je parle essentiellement dans ce billet de l’entreprise et des mères de famille, mais « le problème » concerne toutes les femmes : avant d’avoir des enfants, quand je passais des entretiens de recrutement, on me posait quasi-systématiquement la question (interdite par la loi !) « et vous voulez avoir des enfants… bientôt ? » et je ne sais pas combien de fois mon CV a été purement et simplement écarté parce que j’avais 28-29ans, que j’étais mariée et sans enfant. Plus tard, alors que j’étais en poste, au départ de mon chef, mon PDG m’a nommé un autre chef, qui avait le même âge, le même parcours et les mêmes compétences que moi… Lorsque j’ai demandé pourquoi, je n’ai jamais reçu de réponse claire. Parce que dire « je l’ai choisi parce que c’est un homme », n’est en effet pas un argument qui tient la route !
      Donc les femmes « qui potentiellement vont avoir des enfants » et celles qui en ont déjà sont confrontées selon moi aux mêmes problématiques…

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  9. #10 par Valérie le 20 janvier 2010 - 09:20

    D’abord qu’est-ce-que l’ambition ?
    Comme le bonheur et l’intelligence (entre autres…), il me semble qu’il n’y a pas de définition universelle. Chacun fait la sienne.
    C’est un terme que le monde du travail s’est approprié alors qu’il peut tout aussi bien concerner la sphère personnelle : avoir l’ambition d’être équilibré, honnête, généreux, cela me parait autrement plus… ambitieux que de vouloir devenir calife à la place du calife mais bon…
    La parité ? Bof, un tarte à la crème censée accélérer le processus d’accession des femmes aux postes de direction. ça marche super, n’est-ce-pas 😉
    Non, sérieusement, la société est en train d’évoluer mais un changement aussi profond se fait nécessairement sur plusieurs générations.
    Nos mères (enfin, certaines) et nous-mêmes avons fait le plus dur, je pense sincèrement que les choses seront plus faciles pour nos filles.
    Comme les mandarins des hôpitaux d’après guerre, la génération des capitaines d’industrie bien macho (et qui se cooptent entre eux) est en train de s’éteindre doucement 😉 Patience…

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    • #11 par isabelleprigent le 1 février 2010 - 09:40

      Pareil, je n’avais pas vu ton commentaire… Merci pour ton optimisme ! J’espère aussi sincèrement que le gros du travail est fait… mais sincèrement j’en doute !

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  10. #12 par caro le 4 février 2010 - 21:16

    Bonsoir,
    j’ai bien aimé ce billet. Je vous rejoinds sur tous les points.
    Je ne crois pas non plus que lutter auprès/avec la HALDE soit une solution. En revanche, faire remonter aux parlementaires, ces problèmes concrets d’une majourité (?) de mères de famille, pourquoi pas ?
    Je ne pense pas que le nombre de femmes dans les conseils d’admnistration (surtout en 2016) changera grand chose dans l’égalité Hommes Femmes (la loi de Pareto appliquée au travail des femmes, n’ a pas été prise dans le bon sens ;-))

    Ma problématique : cadre avec 3 enfants en bas age => il est bien difficile de trouver du travail qui plus est, à temps partiel.
    Même avec un argumentaire plus que rodé sur : les modes de gardes, la motivation, l’efficacité etc etc.
    Mais suis je la seule ?

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    • #13 par isabelleprigent le 5 février 2010 - 20:24

      Bonsoir Caroline,
      Non, effectivement, vous n’êtes pas seule… c’est là le problème !
      C’est vrai qu’il « envisageable » de demander un temps partiel lorsqu’on est déjà en poste, mais demander un temps partiel sur un poste cadre en entretien de recrutement n’est pas acceptable en France aujourd’hui 😉
      Je vous souhaite en tout cas bonne chance dans vos recherches

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      • #14 par caro le 5 février 2010 - 20:45

        Bonsoir,

        j’ai parlé à mon député des commentaires faits par les recruteurs (« mais, madame, avec 3 enfants, vous allez être absente en permanence », ou  » ce poste nécessite ABSSOOOLLLUUULLEENNT un temps plein ».
        Il m’a dit que si j’arrivais à rassembler quelques témoignages, il en parlerait avec ces collègues parlementaires.
        Alors, n’hésitez pas, si vous avez des exemples, je suis preneuse

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